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dimanche 14 décembre 2014

Un homme effacé d'Alexandre Postel




La quatrième de couv’ : Damien North est professeur de philosophie dans une université cossue. Veuf, il mène une vie triste et solitaire. Mais un jour, il est embarqué par la police qui l'accuse d'avoir téléchargé sur son ordinateur des images provenant d'un réseau pédophile...

L'affaire fait grand bruit, d'autant que Damien est le petit-fils d'Axel North, figure politique historique. L'inculpé a beau se savoir innocent, chacun se souvient d'un geste, d'une parole qui, interprétés à la lumière de la terrible accusation, deviennent autant de preuves à charge. Même une banale photo de sa nièce, unique enfant de son entourage, ouvre un gouffre d'horribles suppositions.

Le terrible engrenage commence tout juste à se mettre en marche. Alexandre Postel décrit avec acuité la farce des conventions sociales, les masques affables sous lesquels se cachent le pouvoir, la jalousie ou le désir de nuire - et les dérives inquiétantes d'une société fascinée par les images.

Ce que j’en pense : Tout d’abord, je souhaitais remercier les éditions Folio qui m’ont permis de découvrir Alexandre Postel, que je ne connaissais pas jusqu’à présent. Je n’avais jamais entendu parler de cet auteur et je me plaçais ici dans une totale découverte.

Je dois avouer que j’ai mis un peu plus de temps à rédiger cette chronique, car j’ai eu du mal à me plonger dans le récit qui ne m’a malheureusement pas totalement captivée.

L’histoire de Damien North fait froid dans le dos et ce froid devient carrément glacial quand on pense que son histoire pourrait arriver à n’importe qui.



Imaginez-vous vous lever un beau matin, la police frappe à votre porte, vous emmène au commissariat et vous accuse du pire des crimes : la pédopornographie. On croit d’abord à un malentendu, la police s’en rendra bien compte ; on ressent l’angoisse, la colère et la honte, on clame son innocence, réfute les preuves.. Mais rien ne se passe et vous vous retrouvé jeté en prison tel le pire des criminels.

Le personnage de Damien North est un véritable « présumé coupable » : un homme discret, « effacé », solitaire, vieux garçon, peu sympathique et qui s’exprime maladroitement. Bref, une caricature de lui-même (ou du rat de bibliothèque option prof de philo), un personnage qui manque de nuances.

Mais surtout, il ne sait absolument pas se défendre. Et comme il ne sait pas se défendre et qu’il a « la tête de l’emploi », il va se retrouver à la fois condamné par la justice de son pays (on aimerait quand même savoir lequel) mais également condamné par ses concitoyens, même lorsqu’il sera innocenté.

Comment recommencer à vivre lorsque votre image a été salie et votre humanité piétinée dans un procès instruit uniquement à charge ? Comment recommencer à vivre lorsqu’à la sortie de prison, vos moindres faits et gestes sont épiés, amplifiés et déformés par votre entourage et vos voisins ?

A la lecture d’un « homme effacé », on ne peut s’empêcher de penser à ces hommes que la justice et les justiciables ont condamné parce qu’ils avaient l’air d’un parfait coupable alors qu’ils étaient innocents, comme Patrick Dills, Loïc Secher ou encore l'affaire d'Outreau.




Alexandre Postel nous offre ici une satire sociale en dénonçant les gens trop « bien-pensants » qui ne se fondent que sur les apparences pour condamner quelqu’un. Leur jugement va d’ailleurs faire douter Damien North de qui il est en réalité et de son innocence dans cette affaire, alors qu’elle ne fait pas l’ombre d’un doute.

L’écriture d’Alexandre Postel est agréable à lire mais je regrette tout de même le manque de profondeur du roman, notamment dans la seconde partie, moins journalistique que la première, et qui aurait pu être plus nuancée.


« Au fond, ce n'est pas parce qu'il a été innocenté qu'il est à tout jamais innocent », dira l’une des voisines de Damien North...Et vous, jugez-vous aussi vos voisins uniquement sur leur apparence ? 


Ma note : 3/5