Index des auteurs de A à Z

mercredi 13 août 2014

Lorsque j'étais une oeuvre d'art d'Eric-Emmanuel Schmitt

L'histoire : Tazio Firelli, cadet des célèbres frères Firelli, veut à tout prix mettre fin à ses jours. Insignifiant aux yeux des gens face à la beauté parfaite de ses frères, Tazio est persuadé d'être un bon à rien qui rate tout ce qu'il entreprend, même ses précédents suicides.
Sur la falaise de Palomba Sol, alors qu'il se tient sur le bord des rochers, prêt à sauter, un inconnu l'interrompt et lui demande d'attendre vingt-quatre heures avant de mettre ses plans à exécution.
Ce « bienfaiteur » est en réalité un artiste complètement loufoque nommé Zeus-Peter Lama, l'un des artistes les plus en vogue du moment. Il fait à Tazio une étrange proposition : il va lui proposer de le « recréer » et d'en faire une œuvre d'art vivante et unique au monde ; en échange, Tazio deviendra la propriété exclusive de son maître d'œuvre..
Ce que j'en pense : demeurant une grande fan devant l'Eternel des romans d'Eric-Emmanuel Schmitt, je me devais de compléter ma collection avec Lorsque j'étais une œuvre d'art, que je dois qualifier d'une grande originalité.
L'originalité réside tout d'abord dans l'histoire.Un homme au bord du suicide sauvé par un artiste complètement mégalo qui le transforme en une œuvre unique afin d'exposer au monde son génie créateur : je n'avais jamais rien lu de tel auparavant ! Sur ce point, je voudrais dire que je regrette le manque de précision quant à « l'oeuvre » créée par Zeus-Peter Lama car on a du mal à se figurer à quoi elle ressemble exactement.
L'histoire dans les grandes lignes m'a rappelé le conte de Faust, dans lequel un scientifique qui s'ennuie décide de vendre son âme au diable afin d'accéder à de nouvelles connaissances.
Dans Lorsque j'étais une œuvre d'art, Tazio ne vend pas son âme mais, comme on est dans un conte moderne, il offre son corps et plus grave encore, son identité à Zeus-Peter Lama. En effet, Zeus-Peter Lama s'arrangera pour faire croire à la propre mort de Tazio et ce, afin de le faire renaître sous la forme d'une œuvre d'art, sexuellement performante et rebaptisée Adambis.
Tout comme Faust cherchait la vie éternelle, Tazio recherche la reconnaissance dans les yeux des autres ainsi qu'une identité ; cette quête d'identité passe selon Tazio par les apparences et la beauté. Pour lui, exister au yeux des autres passe nécessairement par la beauté. Et Tazio va accéder à son rêve au mépris de sa liberté et de son identité..
La grande originalité de ce livre réside également dans le style : on croit tout d'abord lire un roman mais Lorsque j'étais une œuvre d'artest en réalité d'un conte philosophique avec une morale et qui aborde plusieurs questions de philosophie.
Le thème le plus évident abordé par l'auteur est bien évidemment la valeur que l'on donne aux apparences. Dans Lorsque j'étais une œuvre d'art, Tazio leur donne une importance telle, qu'il est prêt à sacrifier son corps et sa liberté, uniquement pour briller en société. Et pourtant, Tazio va vite déchanter quand il réalisera à quel prix il aura vendu son identité et quand il réalisera qu'il aura beau avoir changé de corps, il conservera toujours son âme..
En réalité, Tazio était prisonnier de son apparence et de l'image qu'il renvoie aux yeux des autres, mais surtout de l'importance qu'il accorde à ses derniers. Finalement, grâce à cette expérience, il aura un peu recouvré sa liberté..
Comme dans chacun de ses livres, Eric-Emmanuel Schmitt réussit à mettre à la portée de tous la philosophie et nous amène à nous poser des questions ; c'est ce que me séduit le plus chez lui. Au premier abord, ce conte ne semble pas avoir de sens et pourtant, plus on y réfléchit, plus on se rend compte à quel point tout était savamment étudié et à quel point l'auteur a fait preuve de finesse et de justesse.. Chapeau l'artiste !
Et pour finir, une petite citation: « J'étais un monstre. Pas un chef d'oeuvre. Au fond, ça valait mieux parce que je souhaitais depuis toujours attirer l'attention. Ma monstruosité, je l'avais voulue autant que Zeus. Même si je ne l'avais pas créée, je pouvais la revendiquer. Tandis que le statut de chef d'oeuvre, lui, m'aurait échappé. Ce qui comptait, c'était ma visibilité nouvelle. Beau, laid, apprécié, décrié, j'existais. Personne ne m'enlèverait cette densité là ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire