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samedi 2 août 2014

Rien ne s'oppose à la nuit de Delphine de Vigan

Tout sur ma mère, comme disait le film.. Notre mère, on l’a aimée, on l’a détestée, on lui a tourné le dos, parfois elle a été notre meilleure amie, parfois on l’a rejetée.. Delphine de Vigan, elle, l’a tellement aimée qu’elle lui a consacré un livre.


L’histoire : Le livre est divisé en plusieurs parties. Une première partie est consacrée à l’enfance de Lucille, la mère de l’auteure. Lucille a grandi au sein d’une fratrie composée de neuf enfants. Le père, Georges, est autoritaire et tient à régner en maître sur sa petite famille. La mère, Liane, est entièrement dévouée à sa famille et son mari et ne vit que pour faire des enfants auxquels elle vouera un amour inconditionnel. La famille de Lucille mène bon train et a même plutôt tendance à vivre au-dessus de ses moyens. Le plus important dans cette famille est de toujours sauvegarder les apparences.
Lucille a eu du mal à se construire une identité et trouver sa place au sein de cette famille nombreuse. C’est très jeune qu’elle va commencer à côtoyer ces drames qui ponctueront son existence par la suite. Puis Lucille grandit et tombe amoureuse de Gabriel, avec qui elle aura deux enfants.
C’est à partir de la deuxième partie que le livre de Delphine de Vigan prend tout son sens. Delphine de Vigan va alors nous décrire l’état de folie dans lequel plonge sa mère, sous les yeux impuissants de ses deux filles. Lucille est psychologiquement instable et est diagnostiquée bipolaire. De nouveaux drames familiaux vont par la suite la précipiter dans sa chute.
Mais surtout, Lucille a un lourd secret qui la ronge depuis des années et qu’elle n’a jamais avoué. Pas même à elle-même.
Ce secret, elle va un jour choisir de le révéler à ses parents et ses frères et sœurs. Personne dans sa famille n’en a tenu compte et tout le monde a fait comme si de rien n’était. Quelques temps après, Lucille se faisait interner.


Ce que j’en pense : j’ai entendu beaucoup d’éloges à propos de ce livre et je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre quand je l’ai ouvert pour la première fois. Pour être honnête, je me suis même demandée pourquoi on lui a attribué autant d’éloges pendant environ les 200 premières pages..
En effet, ce n’est véritablement qu’à partir de la deuxième partie que le livre démarre et.. que le lecteur devient accro !
On comprendra plus tard que la première partie, même si elle n’est pas particulièrement passionnante, est néanmoins nécessaire car elle pose les bases du roman (que l’on pourrait plutôt qualifier de biographie).
Delphine de Vigan nous plonge donc dans l’univers de sa mère dont elle essaie de saisir les aspects de sa personnalité et l’origine du trouble qui l’a tant affecté. Mais comment saisir cette mère insaisissable ? Comment comprendre les actes et les pensées d’une mère que la folie sépare de sa fille ?
Ce sont notamment ces questions que se pose l’auteure au travers de différents interludes qui ponctuent le livre et aux termes desquels elle nous expose les raisons de sa démarche.
Alors, pourquoi avoir écrit un livre entier sur sa mère ?
J’ai pu lire un peu partout sur la blogosphère que l’écriture de « Rien ne s’oppose à la nuit » était une manière pour Delphine de Vigan de rendre hommage à sa mère. Néanmoins, je ne suis pas si sûre que cela soit si simple..
A mon avis, « Rien ne s’oppose à la nuit » n’est pas un simple hommage d’une fille à sa mère. Non, c’est bien plus que ça..
Il me semble plutôt que l’auteure a cherché un moyen de se rapprocher de sa mère et de créer un lien unique avec elle.
Je pense également qu’elle a écrit ce livre pour mieux comprendre qui elle était elle-même et qu’elle a utilisé l’écriture à des fins thérapeutiques. Et pour cela, elle a couché ses idées et son raisonnement sur les pensées de Lucille sur le papier comme on couche parfois certaines pensées pour mieux les identifier et les analyser. Eh oui, tout le monde sait bien que pour comprendre où l’on va, il faut comprendre d’où l’on vient..
Enfin, comme elle dit elle-même, grâce à ce livre, Delphine de Vigan a donné à sa mère un rôle qu’elle n’avait jamais eu et qu’elle avait toujours fantasmé jusqu’à présent, elle lui a offert un « destin de personnage », un « cercueil de papier ».
« Rien ne s’oppose à la nuit » va au-delà des mots pour raconter tout l’amour que cette mère a pu avoir pour ses enfants et tout l’amour qu’une enfant peut avoir pour sa mère. Car ce livre est, quoi qu’on en dise, rempli d’amour..
Il y a une chose que j’ai réellement apprécié dans ce livre c’est que lecteur n’est à aucun moment plongé dans le « pathos » ou la complainte. Ce livre ne dit pas : « Oh pauvre moi ! Plaignez-moi, aimez-moi ! ».
Bien au contraire, Delphine de Vigan est vraiment très digne et décrit les faits avec une grande sobriété voire même une certaine froideur.
« Rien ne s’oppose à la nuit » aborde également à mon sens un autre thème : le fait de s’occuper de l’un de ses parents malade et l’attitude à adopter lorsque l’on se sent impuissant face à la maladie qui le ronge.
Certains estiment que la maladie est trop lourde à gérer seul et délèguent cette tâche. D’autres au contraire, prennent le problème à bras le corps. C’est pour ce dernier choix qu’a opté Delphine de Vigan.
Aussi, même si sa mère l’a souvent rejetée ou s’est parfois montrée violente, Delphine de Vigan, tout comme sa sœur, l’a toujours soutenue et est restée à ses côtés jusqu’au bout. Jusqu’au bout, elle avait besoin de sa mère.
 Pour moi, ce livre est un véritable coup de cœur. Passé l’ennui des 200 premières pages, je n’ai pu me dégager que très difficilement de sa lecture. « Rien ne s’oppose à la nuit » est d’une force et d’une puissance qui font définitivement les bons livres.
Un aspect m’a tout de même dérangé. A raconter ces histoires de famille et laver son linge sale en public, le lecteur a l’impression de s’introduire clandestinement au sein de cette famille et de les observer en tant que spectateur invisible de leur déchéance. L’histoire relève donc quelque part du voyeurisme ou de la curiosité mal placée. On se sent finalement assez gêné.

Et pour finir, une petite citation : « J'ai pensé qu'être adulte ne prémunissait pas de la peine vers laquelle j'avançais, que ce n'était pas plus facile qu'avant, quand nous étions enfants, qu'on avait beau grandir et faire son chemin et construire sa vie et sa propre famille, il n'y avait rien à faire, on venait de là, de cette femme; sa douleur ne nous serait jamais étrangère. »

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